Février 2012 - Salade de fruits jolie jolie (avec Phénicie)

17 ans.

Il paraît qu’on est pas sérieux à cet âge là. C’était Mesopotamie –dit la boule- qui bavassait en cours. Un écrivain qui avait écrit de la poésie là-dessus. Oh ben c’est facile hein, Mathias aussi il pouvait le faire ça! De la poésie. Il avait rétorqué que c’était mieux de faire une Ode à son vélo mais c’était passé à la trappe.

Pffff.

Les profs.

N’empêche, c’était la rentrée, et la rentrée c’était toujours bien. Pas pour les cours évidemment. Ca ça n’avait mais alors aucun intérêt! Non, c’était cool parce qu’on retrouvait les copains de classe. La sienne en plus elle envoyait du bois. Il avait Gilbert déjà qui foutait autant le bordel que lui. Ensuite y’avait Pays-Bas qui ne fallait jamais déranger en cours d’économie alors of course on lui envoyait des légos sur la trombine (un dessert supplémentaire pour qui parvenait à lui en caler plus de deux dans les tifs). Il y avait Autriche et sa sériosité chronique, Russie derrière lequel il fallait toujours se mettre quand on avait pas fait ses devoirs, Espagne qui passait son temps à roucouler derrière Italie du Sud qui râlait et France qui sentait bon les macarons à la rose que même un jour, Danemark se tromperait et le boufferait.

A la viking.

Non y’avait pas à dire, on s’amusait drôlement bien en cours. Même peut-être un peu trop. Mais aussi personne n’avait envie de passer des heures le nez dans les bouquins alors que le monde était vaste et que la pratique ça t’apprenait tout.
Apparemment, ce n’était franchement pas du gout des profs. Soi-disant il était un petit délinquant beaucoup trop bavard et la prochaine fois qu’il recouvre de savon noir les tableaux ça allait chauffer pour son matricule.

Pffff.

Les profs.

Aucun humour.

Sauf la nouvelle là. Phénicie. Prof de géographie. Ah là là. Du haut de ses 17 ans, Mathias en était tout tourneboulé et n’avait toujours pas la moindre idée d’où se trouvait l’Afghanistan mais il savait exactement combien d’amulettes portait sa prof favorite.
Il ne sait plus exactement ce qu’il avait fait pour se taper deux heures de colle –surtout qu’elle était pas du genre à se montrer très sévère Phénicie- mais il avait arboré un énorme sourire quand elle l’avait puni.

Oh oui ! ! Des heures de colles en votre compagnie madame ♥

Tout benef!

Puis il avait l’habitude des heures de colles. S’il y avait un club de ça, il en serait le président.
C’est donc à l’heure dite qu’il se pointa en salle de cours. Enfin à l’heure dite…. Un peu en retard… mais il avait une bonne excuse!! Y’en avait un qui faisait des bulles via la paille avec son nez! a se loupait pas bon sang !

Vendredi soir, après les cours.

La belle méditerranéenne rangea ses affaires dans son sac et se dirigea vers la salle de classe en soupirant. Elle devait s'occuper des heures de colle des élèves. Elle aurait préféré faire autre chose: lire un bon lire, faire une balade dans le parc pour se détendre, fabriquer des amulettes, mais non. Ce soir-là elle devait surveiller le jeune Danemark, ou Mathias pour les intimes.

C'est un gentil garçon, toujours souriant et très attentif en cours de géographie. Même si ce n'est peut être pas le tableau qu'il fixe en sparklant des petits cœurs... Mais il est aussi très turbulent. Ce n'est jamais le dernier pour accrocher un seau d'eau au-dessus de la porte d'entrée de la salle communautaire ou pour mettre des punaises sur la chaise du vieux Rome.

La jolie brune aime tout ses élèves, mais il faut avouer qu'elle a un ou deux chouchou. Le danois en fait évidemment parti. C'est à contrecœur qu'elle avait dû lui donner ces deux heures de colle.

D'habitude elle laisse passer les bavardages, les petits bouts de gomme qui traversent la salle de cours, etc. Mais ce jour-là, Elyssa était très fatiguée, de mauvaise humeur -Duncan aurait dit avec délicatesse qu'elle avait ses ragnagnas- et la jeune femme s'était énervée. Elle l'avait ensuite regretté. Elle s'était dit pour se rassurer qu'elle avait bien fait, que si elle n'avait aucune autorité les élèves feraient tout et n'importe quoi dans son cours. Elle devait montrer qui était la chef et cela le plus tôt possible.

Elyssa traversa le couloir sans croiser personne et poussa la porte de la salle de classe. Il n'était pas encore arrivé. Elle soupira encore une fois et alla s'installer sur une chaise, posant ses affaires sur la table. Elle sortit un miroir de poche pour vérifier qu'elle était toujours la plus belle. Elle arrangea ses cheveux, remit une fine couche de rouge à lèvre et rangea tout dans son sac.

Elle jeta un rapide coup d’œil dehors. Son regard se perdit à l'horizon. Elle était si loin de chez elle. C'était sa première année en tant que professeur. Elle avait redécouvert les couloirs de l'Académie avec plaisir. Ses anciens professeurs s'étaient révélés être d'excellents collègues et elle avait été très bien accueillie. Elle se surpris à sourire en repensant à ses années d'études à l'Académie. Elle se souvenait des interminables cours de diplomatie ou de mondialisation, mais surtout des fois ou elle séchait les cours ou pire encore. Tous les professeurs ont été des élèves avant et même eux on fait des bêtises. C'est pour cela qu'ils peuvent comprendre les élèves et les aider. Et c'est ça qui motivait Phénicie à devenir enseignante.

Elyssa leva les yeux vers la pendule accrochée au-dessus du tableau. 18:05. Le jeune Danemark avait 5 minutes de retard. Elyssa croisa les bras et se mit à fixer la porte. On ne fait pas attendre une belle femme Mathias. Et la phénicienne est très impatiente.

Enfin, la porte s'ouvrit et le danois entra dans la pièce. Elyssa se leva pour le saluer.

« Bonsoir Danemark. » Elle eut un petit sourire, légèrement taquin, avant d'ajouter. « Tu es en retard. »

En retard.

Tout de suite les grands mots.

Il n’était pas siiiiii en retard que ça …si ? oh… disons que pour des heures de colles ça le faisait moyen. Toujours est-il qu’il décocha un sourire solaire à la remarque de Phénicie, plus préoccupé par la façon dont elle était habillé que par la dite remarque.

« Vous êtes trop belle madame ! »

Voilà. Gramme de finesse ? zero la tête à Toto. Avantage qualité filtré ? non existant.

C’était un grand souci avec le danois. Normalement les pensées tournaient plusieurs fois dans les têtes avant de ressortir en formulation adéquate à travers un filtre de bienséance.

Filtre qui n’avait pas la moindre tangibilité chez le nordic. Heureusement pour lui, il jugeait rarement et était plutôt ouvert d’esprit si ce n’était un problème récurrent de ne pas envisager la diversité du monde et de sortir des conneries plus grosses que lui.

Comme là par exemple. Phénicie était professeur de géographie. Elle l’a collé. La logique voudrait que Danemark s’écrase un peu et maugrée legerement en prenant place à son pupitre. La bienséance quand à elle voudrait qu’il range ses yeux ailleurs et cesse rapidement de faire des compliments physiques sur la dite prof.
Mais étant donné que de logique et de bienséance, Danemark n’en avait cure rapport au filtre inexistant (vous suivez ?) cela donnait un tout autre rendu.

Un rendu du genre « je souris et je te dis comment t’es joulie, ça fait du bien à mes yeux ».

Néanmoins, parce qu’on est pas des sauvages hein, Mathias finit par prendre place au pupitre bien devant le bureau en laissant glisser son sac à terre comme un vulgaire bol de whiskas devant un chat.

« Moi j’aurais su, je me serais fait collé encore avant m’dame Phénicie »

Ton père aurait su avant, il t’aurait cousu la bouche à la naissance Mathias. Mais trève de plaisanterie, le danois attendait donc sa punition. Il avait dans l’idée, que Phénicie n’était pas du genre Mongol à le faire suer sang et eau sur des devoirs plus alambiqués les un que les autres.

Un coup d’œil aux cartes géographiques sur le mur.

« Vous savez , quand j’étais plus jeune, j’avais marqué tout les grands ports du monde. Mon rêve c’était d’avoir un bateau et de pouvoir faire le tour des océans et des mers en m’arrêtant dans chaque port que j’avais épinglé. »

Il eut un sourire qui n’atteint pas les yeux. Des rêves, ils en avaient tous eu, non ? jusqu’à ce qu’une lettre à leurs douze ans leurs parviennent les stoppant tous nets. Oh bien sur, ils pouvaient toujours refuser et Mathias n’avait aucun mal à imaginer une vie où il aurait grandit pour être pompier par exemple, mais qui refusait d’être ce qu’il était profondément ?

Le danois laissa trainer un œil azur de nouveau sur la carte, caressant les contours tandis qu’une pointe de langueur glissait dans l’iris. Ah peu importe, il en verra des pays encore ! Même si c’était seulement pour la paperasse et les meetings ronflants !

« Vous avez beaucoup voyagé vous ? »

« Vous êtes trop belle madame ! »

Comme à son habitude, le représentant du Danemark ne pouvait s'empêcher de complimenter la jeune femme. Mais ça ne la dérangeait absolument pas. Au contraire. La méditerranéenne avec un ego sur-développé et il ne fallait surtout pas lui dire quelque chose de déplaisant. Sinon la jeune femme croise les bras, vous adresse un regard plus que méprisant et maudit votre famille sur les quinze générations à venir.

Elyssa fut amusée par le compliment du danois et le remercia en lui adressant un joli sourire. Comme toujours. La phénicienne souriait tout le temps et si ce n'était pas le cas, c'est que quelque chose n'allait pas dans son petit monde parfait.

Elle suivit Mathias du regard, le temps qu'il s'installe à son pupitre. Elle sourit un peu plus à sa remarque mais garda ses commentaires pour elle. La professeure vint ensuite se poser contre la table où il était installé, tandis que le jeune homme racontait ses rêves de jeunesse. Elle l'écouta attentivement. Il lui demanda ensuite si elle avait beaucoup voyagé.

« oui, on peut dire ça. Mon père était pêcheur et possédait un bateau. De temps en temps, il m'emmenait faire un tour avec lui. Il aimait beaucoup voyager lui aussi. J'ai un peu grandi sur la mer. J'ai vu la Grèce, l'Italie, l'Espagne... »

Elyssa rigola doucement en repensant à son enfance. Petite, elle adorait passer du temps en mer avec son père, elle aurait voulu faire cela toute sa vie, mais l'on n'échappe pas à son destin. Et le sien était de représenter les phéniciens, d'être une nation et de préparer les futurs représentants à leur futur travail. C'était peut être pour ça qu'elle adorait le danois. Lui c'était les vikings. Elle, les phéniciens. Deux peuples de grands navigateurs, de conquérants et de commerçants. Ils pouvaient se comprendre.

La phénicienne passa sa main dans ses cheveux et cala une mèche brune derrière son oreille. Elle regarda le danois et, histoire de vérifier les connaissances du jeune homme en géographie mais surtout par curiosité, elle ajouta en souriant.

« Quels sont les endroits que tu aimerais voir ? Tu dois bien avoir une ou deux destinations préférées non ? »

Même si Mathias était là pour être puni, Elyssa n'avait aucune idée de la punition qu'elle pourrait lui infliger. De plus elle détestait être méchante avec ses élèves adorés. Alors elle décida de faire la conversation. Le temps de trouver quelque chose.

Le professeur Phénicie portait les vestiges d'un ancien empire, ça les rendait distant automatiquement. Pour une fois, Mathias se prit à imaginer ce que c'était que de grandir avec en soi une nation qui n'était plus. La frustration que cela pouvait engendrer devait parfois être intense, non? Un peu comme Prusse qui pétait régulièrement des piles lorsque quelqu'un lui expliquait que l'Allemagne c'était ok, mais la Prusse? personne ne s'en souvenait et si on faisait une interro dans la rue, ça irait probablement se nicher dans les pays de l'est parce que c'est bien connu, quand quelqu'un ne sait, c'est fichu là-dedans sur une carte.

" Le bassin de la Méditerranée alors.." il eut un sourire solaire. C'était une mer pas un océan mais lui-même était aux confins de deux mers particulières: la baltique et celle du nord. Un pied en Europe et un autre dans les terres d'Odin.

« Quels sont les endroits que tu aimerais voir ? Tu dois bien avoir une ou deux destinations préférées non ? »

Le grand blond se mit à rire. Ca c'était du bol! il y croyait à peine. Il n'y avait rien de pire que les heures de colles: on vous y faisait travailler et le tout en parfait silence. Deux choses qui ne plaisaient guère à notre danois. Mais là, non seulement il discutait avec Phénicie mais en plus cette dernière ne semblait pas lui avoir préparé de punition particulière.

" J'aimerais faire la route des mayas, celle des épices et la route 66. J'ai déjà fait celle de l'ambre l'année dernière, il faut remonter les côtes Baltiques. J'ai fait celle du Grand Nord avec mon père. Il aime beaucoup voyager aussi vous savez?"

L'élève s'installa un peu mieux sur sa chaise. Elles étaient toujours trop petites. Russie, Ned, Berwald et lui étaient toujours obligés de se tenir d'une certaine façon et au fond de la classe histoire de ne pas déranger. Problématiquement, deux sur quatre atterrissaient souvent devant pour cause de mauvaise conduite.

" Je ne suis pas très photo, à chaque fois je paume mon appareil. Far... enfin papa, n'est pas trop photo non plus. Faut enregistrer avec ses yeux et vivre avec son âme v'voyez? Mais c'est sacrément beau. Le truc le mieux c'était les baleines je crois." Il explique en rapprochant légèrement son long buste, comme une confidence. "J'étais allé le long des côtes norvégiennes pour les voir." Il a un silence. " Je vous jure... quand vous voyez le jet d'eau qu'elles expirent puis la queue gigantesque quand elles plongent.. ça vous remue les tripes.... autant que voir une étendue de sable ou des mineraies."

Il eut un pâle sourire visiblement à des kilomètres de là, avec les baleines dans les fonds obscures de l'océan. C'était un appel constant. Il aimait les gens, fort -trop parfois-. Il aimait ses nordiques et son peuple et Belgique et tout ses amis... mais il les échangeraient tous sans même regarder à deux fois pour l'océan et ses mystères, la promesse d'aventures sans failles et sans fond et les charmes discrets des voyages dans le lointain.

Mathias, tout comme l'antique race de vikings qu'il représentait, aimait explorer, découvrir et rêver à des terres et des mers à la couleur si pure qu'on y verrait les sirènes nager à la surface.