‘How to make you kindly understand that you're getting on my nerves.’
Comment te faire gentiment comprendre que tu me tapes sur les nerfs.S’il y avait une chose dont il était sûr, c’était que Francis avait encore eu une idée merveilleuse. Lorsqu’on lui avait proposé une session H.A.R.P du temps de Richard Ier, Arthur avait flairé le coup bas à dix miles à la ronde.
Mais non, voyons, pour qui me prends-tu, Angleterre ? ♥ Qu’avait fait transparaître le sourire français lorsque le cadet avait émis ses réserves. L’Anglais prenait le représentant de la France pour « beaucoup de choses » dont on taira les noms, et, parce qu’il comptait bien exploser les charts avec Empire Carolingien – il fallait dire qu’il enchaînait les sessions depuis quelques temps – il s’était finalement accordé à émettre un « pourquoi pas » affirmatif et sans équivoque.
Ô douce erreur qu’il avait faite. L’expression offusquée qu’il afficha une fois installé dans le fauteuil était sans doute si splendide que le Français devait s’en délecter.
« Francis, you bloody w… »
Trop tard. Le programme était lancé.
⁂⁂Lorsqu’il sortit de son moment d’absence, il s’était pris à observer très indiscrètement les deux souverains réunis à la même table pour le repas de fête donné en l’honneur de leur alliance. Si les deux hommes - bien que leur rapprochement politique soit encore bien jeune – s’entendaient relativement bien, on ne pouvait pas en dire autant des deux Nations.
Parce qu’à côté de lui se tenait celui qui, accompagné de Guillaume et des Normands, avait conquis l’Angleterre une centaine d’années plus tôt, importé leur administration, leurs coutumes mais surtout : leurs langues. Car, bien sûr, si la langue maternelle de Richard était une langue d’oc, il n’en était pas de même pour Arthur qui avait bien peiné à atteindre un niveau suffisant en anglo-normand
[1].
Mais il était là, le Franc, Francis Ier dit l’Andouille. Le crétin avec qui il était obligé d’imiter les suzerains et de partager la même couche.
Un frisson lui parcouru l’échine alors qu’il reprenait un gâteau qu’il lâcha nonchalamment dans son assiette, puis il jeta son dévolu sur quelques fruits de saison. Le spectacle offert par quelques troubadours et autres ménestrels n’intéressaient guère l’Anglais qui préférait garder son nez au-dessus de son écuelle pour ne pas avoir à croiser le regard de
Cretinus rex Francorum[2].
Inutile de le cacher, s’il avait eu le choix, il serait allé dormir dans les écuries.
Cette petite rivalité amicale
[3], ils la devaient tous les deux à ce cher Guillaume. Arthur n’avait rien demandé lorsque ce dernier a posé le pied sur son sol mais il devait avouer qu’entre les Normands et Cnut, l’Anglais choisissait les Normands – bien que ce soit choisir entre le rhume et la bronchite.
Il continuait d’avaler le contenu de son assiette, silencieux, d’un flegme si caractéristique à sa Nation que lorsqu’il leva la tête, parcouru d’une pensée évidente, le coup de genou (même pas mal) qu’il donna sous la table dans son élan réveilla surement son compère d’infortune lors de sa digestion :
« Oh mon Dieu. Francis ! »
Le vin ondulait dans les verres et les petits pois roulaient sans doute le long de la table sous la violence du coup. Le dos bien droit, le regard écarquillé perdu dans le vague, il continua :
« J’avais oublié à quel point tu étais un superbe fot-en-cul
[4] ! »
C’était gratuit, sans taxe pour l’État, l’Église ou la Seigneurie et il replongea son attention sur son dessert en priant pour que le repas se termina bientôt. Plus vite ils iraient passer la nuit, plus vite il pourrait l’oublier.
- Spoiler:
Nota : En 1187, Richard n’est pas encore roi et encore moins appelé « Cœur de Lion ».
[1] Anglo-normand : Avec Guillaume le Conquérant, les langues venant de France tiennent une place importante au sein de la société anglaise (bien que ce « français » reste une langue d’élite). L’anglais (moyen-anglais) reste cependant la « langue du peuple ».
[2] Cretinus rex Francorum : Crétin roi des Francs. En référence au titre de Philippe II : Philippus rex Francorum (Philippe roi des Francs).
[3] La véritable première guerre entre la France et l’Angleterre est la Guerre franco-anglaise (1202-1214) entre le Royaume de France de Philippe II et l’Empire Plantagenêt de Jean sans Terre, alors Roi d’Angleterre (Richard est mort depuis 1199).
[4] Fot-en-cul : insulte désuète pour « sodomite ».