Session 1 - Toi aussi tu connais Owen le chauve? Et titi le mistigri?

Note de moi à toi :3:

Un gros soupir.

Scotty en avait gros.

Il s'était fait remonter les bretelles parce qu'il n'avait pas encore validé sa session H.A.R.P. de début d'année mais aussi à chaque fois, les ordinateurs étaient occupés! Sans compter qu'il était au club de musique et celui de rugby et il n'avait pas que ça à f...

Un froncement de nez.

La vérité c'était que la dernière session l'avait légèrement traumatisé. Il avait toujours eu une affection un peu trop grande pour Mary Stuart. Toute l'année dernière il avait trafiqué une grande partie  de ses sessions pour aller la voir elle en particulier. Seulement voilà, on ne changeait pas le passé. On y accédait certes, mais rien de plus. C'était comme regarder un soufflé gonfler dans le four et avoir la conscience de devoir impérativement en ouvrir la porte, condamnant irrémédiablement le soufflé à retomber.
L'écossais se mit à siffloter nerveusement une mélodie qui n'en était pas une. Petite façon de se donner un air quand, franchement, il n'en menait pas large. Au moins s'était-il installé dans l'écrin de la machine, casque sur les oreilles, recouvrant une partie du visage. Le siège était encore un peu chaud, signe que quelqu'un d'autre l'avait utilisé peu de temps avant mais ça ne dérangeait pas le rouquin qui finit par se décider d'un mouvement brusque en pianotant pour de bon.

Nation: Écosse.

Date: _ _ _ _

...

Il prit un certain temps avant de passer la date. Ils avaient le choix entre date et évènement ou encore personnalité ou il y avait toujours session roulette mais Scotty s'en méfiait plus souvent qu'autre chose. Il allait se retrouver en pleine bataille entre Scots et Pictes à tout les coups et ça autant qu'il le fasse avec son oncle adoré. Il plaça sa main sur la liste des événements faisant valdinguer les titres. L'idéal serait une bataille. Quelque chose qui lui fasse monter l'adrénaline en ce début de semaine rantanplan (rien à voir avec le chien ok...ouais enfin si peut-être un peu), mais là aussi, le programme était retors. Beware of what you wish for.

Événement: Bataille de Carham

Tiens! En voilà une qu'il n'avait pas tenté. D'un geste léger, il appuya sur les lettres, ces dernières s'illuminant de manière immédiate sous le toucher. Le reste s'afficha tout seul. Il eut à peine le temps de voir la date briller à son tour (1018) et de se relaxer quelques secondes pour qu'un assoupissement soudain l'emporte en moins de temps qu'il fallait à un écossais de base pour frire quelque chose.


Toujours la même sensation de vertige. Des voix qui s'estompent puis deviennent plus forte et Écosse rouvrit les yeux. Son roi se pencha en arrière signe qu'il devait se pencher et écouter ce qu'il fit, les tresses rousses venant glisser sur ses joues sales.

"Pour Knut ce sera une trahison."

Ecosse aquiesce. Knut II roi d'Angleterre, du Danemark, de la Norvège et probablement aussi de la Mère Michel voir même de son chat n'allait pas nécessairement le prendre bien.

Ou.

Ce qui intéressait les vikings dans ces terres ce n'était jamais que l'or et les breloques. Et Knut n'était même pas là.

"Seulement si l'on perd, sire."

Il y avait quelque chose d'étranges à prononcer ces mots mais après tout son roi lui avait demandé son avis n'est-ce pas? Malcom II, roi des Scots, eut un sourire entendu.

" Ce qui compte c'est la Northrumbie et le Lothian. Quand nous nous serons assuré ces deux régions durablement...tu ressembleras enfin à quelque chose."

Il aurait pu le prendre mal mais la carte sous ses yeux avaient trop de promesses. Des terres plus concrètes. Même si...
Il eut un sourire teinté d'ironie quand Malcom se retourna et demanda à faire entrer le roi des Owen II de Strathclyde. Beaucoup de rois, souvent de rien du tout, qui s'étaient juste amuser à empoisonner l'oncle ou à occire le frère.
Ce n'était pas la possession de terres qui faisaient de lui ce qu'il était. Pas même la langue. L’Écosse habitait son âme. Monstre aux yeux verts, revêtus de pelisses de poils sombres , grognant toujours. Son peuple, aussi épars était-il à travers ces montagnes et plateaux, lui était enchainé comme un enfant à sa mère, par un cordon ombilical invisible (mais qui jouait le rôle de qui, il n'en avait aucune idée). Son prédécesseur -à moitié fou- lui avait dit qu'il croyait fermement que le sang qui circulait dans leurs corps était fait de la sève qui coulait dans ce même sol et dans leurs arbres et leurs forêts et que c'était pour ça qu'ils mourraient si tard et qu'aucune blessure ne les touchaient vraiment.

Peut-être aussi c'est ce qui leurs donnaient cette personnalité aride.

Il pleuvait souvent en Lothian et Northrumbie maintenant qu'il y pensait. Son regard coula silencieusement vers l'homme que Malcom serra dans ses bras en une accolade. Le crâne rond et lisse comme un cul de poule. Owen n'avait pas volé son surnom de Chauve.
Malcom ne le présenta pas. Inutile vraiment et il avait déjà vu Owen mais il nota néanmoins que Strathclyde n'était pas là. Les nations suivaient pourtant toujours leurs rois. Quand il posa la question, Owen eut un mouvement de la main désinvolte. Et ne répondit pas.

"Parlons plutôt du nombres d'hommes et des armes."

Et c'est donc ce qu'ils firent.

[à suivre]

Citation :

So everything is necessary. Every least thing. This is the hard lesson. Nothing can be dispensed with. Nothing despised. Because the seams are hid from us, you see. The joinery. The ways in which the world is made. We have no way to know what could be taken away. What omitted.

We have no way to tell what might stand and what might fall.
(CORMAC MCCARTHY)

Après les batailles, il y a le butin.

Des terres et des titres. Des femmes et de l'or. Le butin ne revient qu'aux victorieux, les vaincus restant avec l'honneur qu'on leur laisse, les corps à enterrer et la marque indélébile du seul crime jamais pardonné encore et toujours: la traitrise.

Mais c'est un leurre car la tâche d'enterrer les morts n'est jamais que dans un seul camp, les victorieux la connaissent aussi. La victoire n'est pas l’invincibilité et ne promet pas le bonheur ni la joie. De la bataille, Écosse ne retint pas grand chose. Du bruit et des cris, la chaleur du sang et celle des corps pressés. C'est après que les événements s'éclaircissent et c'est en se penchant sur Owen le chauve expirant tandis que les cornemuses de Malcom chantent qu'il comprit.

Les batailles ne se gagnent pas sans un tribut écarlate et la paix sans un prix similaire bien trop cher à payer. Dans cette histoire, tout le monde obtint ce qu'il désirait.

Des terres, un titre; de l'or, une femme.

Tout a un prix.

Scott regarda, en arrière, silencieusement pour une fois.( Le début d'une histoire est simple à modifier. Simple de l'altérer, la tordre, la soumettre à sa volonté. Mais la fin? La fin est déjà tracée. Décidée par les Dieux et les druides. La fin est la leur et bien que le chemin puisse changer, la fin reste la même.)

Owen le chauve tomba à la bataille de Carham. La Northrumbie et le Lothian devinrent acquisitions scots et la fille de Malcolm s'acheta par un mariage la Strathclyde que le Chauve laissait.

"Quand nous nous serons assuré ces deux régions durablement...tu ressembleras enfin à quelque chose."

Si le royaume transpiraient du sang comme un fruit trop mur, si Malcolm gagnait le nom de "destructeur" par delà le mur romain, Écosse fit la sourde oreille. Seul la fin comptait.
En retrouvant son roi sur les décombres de Carham, Écosse resta un bref instant à le contempler. Sans savoir comment lui dire que si les rois veulent toujours plus.

Les nations aussi.

Cette nuit, il s'entend lui parler, calme, presque un murmure, comme si cette voix n'était pas la sienne. Le privilège de voir les rois défaits, la peur et l'anxiété les rongeant de l’intérieur. Il lui dit qu'il est un bon, et que le peuple lui fait confiance. Il le sait. Il est le mieux placé pour le savoir. "Vous êtes un bon roi" lui dit-il. Le seul qui reste maintenant mis à part ce roi scandinave par delà les mers et ce roi étranger au sud qui ne sera jamais le sien. Le royaume nouveau tiendra.

Il répète.

Il tiendra.


Un clignement d'yeux.

Le temps de se réhabituer à la lumière.

Voulez-vous revoir les images?

Il enleva son casque et se rajusta sur le siège terminant de valider sa session dans des gestes automatiques. La bibliothécaire en service lui demanda si tout allait bien et il eut un acquiescement rapide. "La prochaine fois je choisis un mariage ou un banquet" fit-il en plaisantant.
Il l'avait ressentit sur le moment, l'adrénaline que cela avait suscité d'être plus. Plus grand, plus fort, entier. Mais être pour eux c'était être au détriment d'autre. Northrumbie et Lothian avaient du disparaitre non? Strathclyde n'était pas venu avec Owen parce que surement...il avait été souffrant? il avait sentit? ..pire, sa qualité de nation s'était déjà estompée.

La fin reste la même.

Une fois le programme éteint, le roux alla s'allumer une cigarette sur l'escalier de service. Cela faisait à quasi tout le monde: l'impression de décalage une fois que l'on revenait. Un rêve encore réveillé. Il allait devoir faire le compte-rendu maintenant pour les profs. En général c'était une partie qui ne le rebuttait pas mais depuis quelques temps, l'Histoire lui pesait plus. Fatalement, pour toute ses excentricités, il revenait inlassablement à ce que son sang lui rappelait encore et encore: dans 7 mois, il faudrait faire ce qu’Écosse avait fait à l'époque.

Il faudrait tenir.

{Fin}