Nature plus que morte [Finlande - Biélorussie]

Si on récapitulait la carrière associative de Tino Vïnämöinen, il fallait se rendre à l'évidence : suite aux échecs culinaires répétés, aux accidents de lancer de poids, ainsi qu'à des attaques de panique suédoise en ateliers de menuiserie, le Finlandais n'était le bienvenu que dans les clubs à dimension artistique, qu'il s'agisse d'égrener quelques notes ou d'imaginer de petits programmes informatiques addictifs consistant à envoyer de petits piou-pious innocents contre des surfaces solides, non sans les avoir nourris de testostérone pendant une à deux semaines.

De fait, Tino adorait passer en salle d'arts plastiques ; laisser errer son crayon et taquiner de la feuille et de la toile semblait lui procurer autant de satisfaction et de paix qu'un bon sauna de derrière les fagots. Il n'était pas rare de le trouver dans la salle, fredonnant gentiment tout en griffonnant, peut-être pas avec talent, mais en tout cas avec application. (Il avait su dessiner Groke dès l'âge de 7 ans, une Groke parfaitement effrayante, ce qui était, selon des critères finlandais, un signe de prédisposition claire ; il nous aurait esquissé des popotins de marin rebondis, on aurait crié au génie, cependant force était de reconnaître que l'on n'en était pas là, et que Tino n'était pas tout à fait sur le point de lâcher sa carrière de nation pour celle de réincarnation de Michel-Ange, destin pourtant moins commun et nécessitant de se prendre moins de camouflets diplomatiques plus ou moins figuratifs. Les baffes de Danemark piquaient quand même la joue pendant deux ou trois heures, et les bisous magiques que Berwald s'obstinait à distribuer n'arrangeaient pas vraiment l'affaire. Mais nous nous égarons.)

En cette fin de soirée, Tino avait donc trottiné jusqu'à la salle d'arts plastiques ; il avait été pris d'une envie subite de marimekko-er pendant le repas, en pleine bataille de bolognaise. L'explosion tomatesque sur la chemise immaculée d'Allemagne avait rappelé au représentant de la Finlande que son classeur d'économie lui avait paru tristement blanc ces derniers temps, et que faire éclore des fleurs multicolores rapportait des poins de karma question commerce extérieur (à moins que cela ne vous fasse passer pour un hippie sur le retour, il confondait tout le temps).

La pièce était, comme il fallait s'y attendre, déserte ; la plupart des combattants avait opté pour un périple en direction des douches. L'art, heureusement, n'attendait pas.

.........Encore que.

-Eeeeh??!

Un sourcil froncé, Tino fixa sans comprendre le placard à fourniture vide. Pas de gouache, pas de pastels, pas d'aquarelle, encore moins de crayons. Envolé le vert pomme, le bleu azur, même plus de jaune caca d'oie. Vide, vide et revide. Ne restait sur les étagères qu'un pinceau à moitié chauve, solitaire, en pleine agonie.

Par le saint pouvoir du salmiakki!! Sacré nom de glöggi!! Un vol!!

Bon. L'éclosion de fleurs était compromise. Maaaais... Tino avait des racines scandinaves, quelque part au milieu de ses gènes finlandais ; et en bon scandinave, quoi de plus fascinant qu'un bon polar?? Une enquête!! Une énigme!! Bref, le Mystère du Vol de la Peinture!!

De déçue et dépitée, la mine de Tino s'alluma progressivement jusqu'à égaler l'éclat de la vitrine de Noël de Stockmann. Une énigme dans le milieu de l'art!! Ca, ça aurait fait plaisir à Harjunpää!! Ou ça l'aurait plongé dans une contemplation déprimée sur le fait que rien n'était à l'abri de l'âme criminelle. Bah. On avait du travail sur la planche ; il lui fallait mener l'enquête, relever les traces d'un passage récent, les empreintes abandonnées par le coupable et peut-être même mettre la main sur le planning de présence!

....ou, dans un premier temps, si tu résolvais plutôt le mystère de La Deuxième Ombre Qu'est Soudain Apparue Dans La Salle Dans Ton Dos, coco?

Ne hurle pas tout de suite, Tino.

« Le bonheur des uns fait le malheur des autres ». La personne qui avait pondu ce proverbe devait avoir connu Biélorussie, dans une autre vie. En effet, voir un sourire éclore sur le visage de la blonde slave était non seulement un évènement aussi rare qu’une démonstration de courage de la part d’Italie du Nord, mais était également synonyme de problèmes majeurs pour certaines personnes. Typiquement, ses camarades de l’aile slave avaient appris à se méfier autant des crises de bonnes humeurs de Natalya que de ces colères, Russie tout particulièrement, qui avait appris (dans la douleur) que Biélorussie pouvait être d’excellente humeur lorsqu’elle trouvait un moyen de falsifier une signature sur un contrat de mariage…

Aujourd’hui donc, toute personne saine d’esprit aurait fui à l’autre bout de l’Académie en voyant la slave sautiller dans les couloirs des locaux d’arts. D’autant que sa présence ici était un évènement des plus rares et inattendus. Il y avait forcément un but, obscur et pour le moment inconnu…

Or donc, Natalya se dirigeait tout droit vers la salle d’art plastique. Elle avait choisi d’y aller maintenant, alors que la plupart des élèves étaient encore dans à la cafétéria (ou alors dans les douches, vu l’ampleur de la bataille de bouffe qui y avait fait rage), histoire d’être tranquille.

Aussi fût-elle très surprise en entrant dans la salle d’art de trouver ici un autre être humain. De dos, il était légèrement plus grand qu’elle, les cheveux blonds clairs. Difficile de l’identifier de cette façon, mais de toute façon ce n’était pas ce qui intéressait la Biélorusse.

Non, ce qui attira son regard fût l’immense placard désespérément vide devant lequel se tenait cet être. Le placard à fourniture, autrefois débordant de matériel, avait été vidé de l’intégralité de son contenu. Ce qui n’était absolument pas normal. Et ce qui contrariait très très sérieusement les plans de Natalya, qui s’en trouva soudainement de fort mauvaise humeur. Et inutile de refaire le speech sur les tendances néfastes pour son entourage que peut avoir la mauvaise humeur de Biélorussie, n’est-ce pas ?

Cela étant dit, se fâcher n’allait pas résoudre le problème. Enfin, si, la violence est toujours une solution mais encore fallait-il savoir sur qui taper. Ce qui amener la conclusion suivante : il fallait trouver le coupable. Et pour commencer, il lui fallait un suspect. Tiens, salut toi, qu’est-ce que tu fais dans la salle d’art plastique à cette heure-ci ?....

La blonde se rapprocha juste derrière l’homme et susurra d’un ton… Froid :

- Dit moi… Tu n’aurrrais pas une petite idée de qui serrrait rrresponsable de cette disparrrition soudaine de matérrriel, da ?

OOC:

En tant que tout nouvel enquêteur auto-proclamé de l'académie, Tino Väinämöinen aurait aimé réserver à l'intérieur de sa propre caboche le piaillement de surprise consécutif à l'arrivée de Biélorussie. Raté. Ca ne faisait pas particulièrement crédible.

C'est qu'il y avait des limites à ce qu'un brave inspecteur finlandais pouvait supporter. Traquer des coupables jusque dans les plaines gelées de la lointaine Suède était une chose ; affronter le regard glacial de sa camarade biélorusse en était une autre.

Natalya (quoique Tino ne se soit jamais permis de l'appeler ainsi de vive-voix, pour la survie de ses bijoux de famille) avait gardé du charme slave de longs cheveux d'un blond pâle, évoquant un champ de blé saisi par la gelée blanche. Ou la couleur de la chevelure des noyés que l'on retrouve sous la glace d'un lac gelé. Tino réprima une grimace.

La représentante de la nation biélorusse était aussi lunaire que sa soeur rayonnait de chaleur bienveillante. Par bien des aspects, Natalya rappelait Ivan. En pire.

Et Tino se retrouvait seul avec elle. Finalement, il n'était plus si mécontent de la disparition des pinceaux, taille-crayons, et autres objets potentiellement dangereux pour les civils finlandais.

......Qu'est-ce qu'il racontait? Il n'était pas un civil, il devait mener l'enquête! Luttant pour se reprendre et maîtriser les palpitations affolées de son coeur, il se mordit l'intérieur de la joue, histoire de reprendre des couleurs, avant de trouver le courage de répondre, en mode hypnotisons-l-ennemi-avec-une-litanie-pas-du-tout-stressée-voyons :

- C'est aussi ce que je me demandais, je voulais peindre et on ne peut décemment pas peindre sans pinceau enfin à la rigueur je pourrais utiliser des coute-non! en fait non, pas de couteaux, y a rien de mieux que les pinceaux, et la peinture, beaucoup de peinture, rien d'autre que de la peinture industrielle, le sang coagule et tourne toujours au brun moche, y a qu'à voir le T-shirt de Dan qui a été ruiné après l'incident de la Saint Valentin d'il y a deux ans et bref, il faut vraiment retrouver ce matériel, après tout, c'est le bien commun, ce n'est pas juste que quelqu'un se l'accapare, encore que c'est peut-être juste un emprunt mais alors il aurait fallu laisser un papier pour signaler qui l'a réquisitionné et jusqu'à quand, et donc je penche pour un vol et comme tout le monde est occupé, je me disais que je pourrais aider, mon enquête vient à peine de commencer, et comme je ne crois pas à l'adage, j'étais sur le point de relever des indi-

La salive lui manqua subitement. L'adage.

Le coupable revient toujours sur les lieux du crime. Oh mon dieu. Biélorussie. Il avait cru qu'elle faisait la conversation, mais peut-être était-ce du chantage? Une façon complexe et perverse de lui intimer de fermer les yeux?  Il ne devait pas se laisser corrompre! Mais en même temps... il n'allait pas appréhender la Biélorusse seul, impossible, même s'il n'était pas si mauvais combattant que ça. Et puis... Elle avait l'air elle aussi contrariée par la disparition du matériel, et pas la moindre trace de peinture sur la jeune fille.

Du calme, Tino, se répéta-t-il. Ne saute pas aux conclusions. Rassemble des preuves. Gagne sa confiance.

-On ne s'est jamais trouvés ici ensemble, je crois, c'est bizarre... euh... j'aime bien dessiner de temps en temps. Et toi?

A tout hasard quand même, il fit discrètement un pas en arrière. Instinct de conservation.

[Alooors. J'ai fait un peu avancé l'intrigue, mais peut-être pas dans le bon sens. Si ce que j'ai indiqué pose souci, préviens moi <3]


La réaction de la Biélorusse ne se fit pas attendre. Son visage se ferma et elle croisa le bras, son pied tapotant le sol de la salle en un geste d’exaspération. Elle rétorqua d’un ton froid :

- Effectivement nous ne nous sommes jamais crrroisés ici. Ce qui n’est pas étonnant, puisse que je n’aime pas, d’habitude perrrdrre mon temps dans une activité aussi futile que le dessin.

Son regard froid se planta dans les yeux froids. Elle aurait bien essayé de faire peser sur le Finlandais tout le poids de son mécontentement, en guise d’exutoire. Et aussi pour lui faire payer sa tirade alambiquée qui, à ses yeux, avait constitué une agression verbale en bonne et due forme. Mais elle n’avait pas le temps de s’accorder ce petit plaisir. Et puis, effrayer la seule personne susceptible de potentiellement l’aider à retrouver le matériel volé n’était pas nécessairement une brillante idée.

Bien vite, elle se détendit donc, ses bras retombant le long de son corps, ses épaules se relâchant sensiblement. Elle poussa un profond soupir, puis contourna le finlandais pour accéder à l’armoire.

Elle inspecta l’armoire, légèrement penchée en avant, son regard parcourant l’intérieur à l’affût de la moindre trace, du moindre indice. Elle prit garde à ne rien frôler par inadvertance, histoire de ne pas compromettre par mégarde un indice. Enfin… Il n’y avait pas grand-chose à voir, malheureusement. Ses recherches se révélant vite infructueuse, elle lança par-dessus son épaule à l’intention du blondinet :

- Dis-moi, tu n’aurrrais pas déjà trrrouvé un indice quelconque parrr hasarrrd ?

Elle s’écarta de l’armoire, s’apprêtant à se retourner pour écouter la réponse de Finlande, lorsque son regard s’accrocha soudainement à une tâche de couleur vive. Elle se baissa rapidement, saisi l’objet qui se trouvait coincé près du pied de l’armoire, et le leva en pleine lumière.

C’était un pétale.

Et pas n’importe quel pétale. Ceux-là, elle aurait pu les reconnaitre entre mille. C’était un pétale de tournesol... Le teint de Biélorussie blanchit d’un ton ou deux.

Qui, à l’Académie, aimait les tournesols ?....